Cellules de frères et sœurs dans notre corps... ? Le mystère du microchimérisme dans la famille

Saviez-vous que nous portons peut-être en nous des cellules vivantes de nos frères et sœurs ?


Nous avons déjà abordé le fascinant sujet du microchimérisme-foetal lors d'un précédent article (ici😉 )

 

Plus intrigant encore... Le microchimérisme entre frères et sœurs.

 Le microchimérisme entre frères et sœurs soulève une question unique en généalogie...

"Qu’en est-il de l’empreinte cellulaire de nos aînés et cadets dans notre propre corps ?"

 

Le microchimérisme familial, découvert récemment, ouvre une nouvelle page sur les mystères de l’hérédité.

En effet, au-delà de l’ADN, des cellules venues d’un frère ou d’une sœur... pourraient-elles circuler en nous ?

Plongeons dans cette histoire cellulaire qui dépasse les liens de sang.


Le microchimérisme entre frères et sœurs :

une généalogie cellulaire partagée ?

Le microchimérisme est la présence de cellules étrangères dans le corps d’un individu.

Initialement observé dans le cadre des relations fœto-maternelles, ce phénomène a progressivement été élargi à d’autres types de relations familiales, notamment entre jumeaux et frères et sœurs.

Les récentes recherches sur le microchimérisme entre fratries offrent des perspectives fascinantes sur l’héritage biologique au sein des familles et pourraient modifier notre compréhension de l'identité génétique.

 

Avant d'aborder plus précisément le sujet, commençons par le début 


Le microchimérisme, d'où vient ce nom ? Et c'est quoi "le microchimérisme" ?

Le terme "microchimérisme" vient du préfixe "micro-", qui signifie "petit", et du mot "chimère", qui désigne un organisme constitué de cellules génétiquement différentes.

(donc, provenant de deux ou plusieurs individus différents)

Le mot "chimère" lui-même provient du grec ancien "khimaira", qui désigne une créature mythologique composée de différentes parties animales. Dans la mythologie grecque, une chimère est une créature fantastique souvent décrite comme ayant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent. Elle symbolise l'hybridité et l'impossibilité.

En biologie, une chimère désigne donc un organisme formé de plusieurs types de cellules ayant des origines génétiques variées.

Le préfixe "micro" est utilisé pour indiquer que ces cellules, qui proviennent d'autres individus, sont généralement en faible nombre.

Ce phénomène se produit souvent pendant la grossesse, où des cellules circulent dans les deux sens : de la mère vers le fœtus et du fœtus vers la mère.

Ainsi, durant les neuf mois passés in utero, nous avons la possibilité de recevoir des cellules de nos mères, tout en ayant également des cellules microchimériques provenant d'elles. Parmi ces cellules, on retrouve celles de notre grand-mère maternelle, ainsi que celles des ancêtres qui ont été portés par notre mère (y compris des aînés vivants et des embryons qui n'ont pas survécu). En outre, il existe un partage de cellules entre jumeaux, y compris ceux que l'on qualifie de "jumeaux évanescents", qui cessent de se développer très tôt.

Les "jumeaux évanescents" désignent des embryons jumeaux qui ne parviennent pas à se développer pleinement et qui disparaissent au cours des premières étapes de la grossesse. Ce phénomène se produit souvent dans les cas de grossesses multiples, où un ou plusieurs embryons peuvent ne pas survivre jusqu'à terme.


Le microchimérisme familial

Le microchimérisme familial, en particulier entre jumeaux et entre frères et sœurs, constitue un domaine fascinant qui mérite une attention particulière.

Alors que nous avons déjà exploré le concept de microchimérisme en général, il est intéressant de se pencher sur les dynamiques spécifiques qui se produisent au sein des fratries.

Dans ces relations, l'échange de cellules peut être particulièrement intense et complexe, car les jumeaux partagent souvent une connexion biologique unique qui amplifie ces interactions cellulaires. Par ailleurs, les frères et sœurs, bien qu'ils ne soient pas toujours porteurs de cellules identiques, peuvent également bénéficier de ce phénomène, créant ainsi des liens invisibles qui transcendent la simple génétique.

Nous allons examiner de plus près ces échanges cellulaires entre jumeaux et entre frères et sœurs.


1. Origine et découverte du microchimérisme : les premiers pas d’un domaine émergent

Comme nous venons de l'évoquer, le concept de microchimérisme trouve ses racines dans les observations de transferts cellulaires entre la mère et le fœtus pendant la grossesse. Dès les années 1970, des chercheurs découvrent que des cellules fœtales peuvent migrer vers les tissus maternels et y résider longtemps après la naissance de l’enfant (Stevens et Murnane, 1977). L’intérêt pour ce domaine explose lorsque des études révèlent la persistance de cellules fœtales chez des mères bien après leur grossesse, certaines cellules ayant même une action immunitaire protectrice ou, paradoxalement, des implications dans des maladies auto-immunes (Bianchi et al., 1996).

NB. Il semble entendu que les cellules d'un embryon pourraient commencer à migrer vers le corps de la mère dès les premières semaines de la grossesse, souvent à partir de la quatrième ou cinquième semaine, lorsque le placenta commence à se former et à établir des connexions avec le tissu maternel.

La possibilité que ce phénomène s'étende au-delà de la relation mère-enfant a été avancée dans les années 2000, notamment avec l'idée que des échanges cellulaires pouvaient aussi se produire entre jumeaux pendant la grossesse.

Les découvertes récentes des années 2020 montrent que le microchimérisme pourrait également exister entre frères et sœurs de familles non gémellaires (Kammerer et al., 2021).


2. Microchimérisme chez les jumeaux : vrais et faux jumeaux, des empreintes cellulaires croisées

Chez les jumeaux, le microchimérisme revêt des caractéristiques spécifiques selon qu’ils soient monozygotes (vrais jumeaux) ou dizygotes (faux jumeaux).

Chez les vrais jumeaux, issus du même ovule, les échanges cellulaires sont fréquents en raison de la proximité génétique et de la connexion à travers le placenta. Des études ont démontré que les vrais jumeaux partagent souvent des cellules dans différents tissus, notamment dans le système immunitaire et le système nerveux (Hall et al., 2018).

Pour les faux jumeaux, le processus est plus complexe. Issus de deux ovules distincts, les faux jumeaux partagent souvent un espace utérin mais sont génétiquement plus dissemblables. Cependant, des études montrent que des microchimères peuvent également se développer entre faux jumeaux lorsque leurs placentas fusionnent partiellement, permettant un transfert cellulaire entre les deux embryons. Ces cellules sont détectées dans des organes vitaux et persistent durant des décennies, sans nécessairement provoquer de réponses immunitaires problématiques (Aagaard-Tillery et al., 2010).


3. Microchimérisme entre frères et sœurs non jumeaux : échanges cellulaires dans la famille

Le microchimérisme ne semble pas se limiter aux jumeaux.

Des études récentes ont mis en évidence la présence de cellules provenant de frères et sœurs dans des individus sans antécédents gémellaires (Zimmermann et al., 2022). Ce phénomène pourrait s’expliquer par le transfert cellulaire maternel qui permettrait aux cellules d’un premier fœtus de migrer vers la mère, puis de se retrouver dans un enfant né plus tard.

Les recherches dans ce domaine sont encore à leurs débuts, mais certains cas ont montré la présence de cellules appartenant à des aînés dans les tissus des cadets, ce qui pourrait ouvrir des questions sur l'héritage et la santé familiale.

Par exemple, des cellules provenant de frères et sœurs aînés ont été trouvées dans le sang de jeunes enfants, laissant penser que les mères peuvent stocker des cellules de différents enfants et les transmettre au fœtus suivant (Mazo et al., 2023).


4. Implications du microchimérisme fraternel : entre immunité et hérédité

Les cellules microchimériques peuvent influencer la santé de l’individu hôte de plusieurs façons. Une hypothèse avancée est celle de l’effet immunologique protecteur : les cellules provenant de membres de la fratrie pourraient jouer un rôle bénéfique, en agissant comme un « prêt immunitaire » qui aide le système immunitaire à mieux répondre aux infections similaires à celles contractées par les frères et sœurs. Cependant, dans certains cas, elles pourraient aussi participer au développement de maladies auto-immunes (Gammill et Nelson, 2014).

Les recherches futures tenteront de déterminer si ce microchimérisme fraternel pourrait influencer la susceptibilité à certaines maladies héréditaires ou même l’expression des gènes. Les scientifiques s’intéressent en particulier à l’étude des cellules souches microchimériques, qui pourraient avoir des fonctions régénératrices dans l’organisme de l’hôte et offrir une meilleure compréhension de la génétique familiale (Evans et al., 2024).


5. Le microchimérisme en 2024 et perspectives d’avenir : une nouvelle frontière de la généalogie biologique

L’année 2024 marque une avancée significative dans l’étude du microchimérisme, notamment grâce aux nouvelles technologies de séquençage cellulaire et aux techniques de biopsie liquide, qui permettent d’identifier des cellules étrangères dans des tissus précis sans recourir à des méthodes invasives (Turner et all., 2024).

Les chercheurs espèrent pouvoir cartographier les échanges cellulaires non seulement au niveau de la fratrie, mais aussi dans des lignées familiales entières, en traçant les éventuels effets génétiques.

Le microchimérisme pourrait également offrir de nouvelles perspectives pour la généalogie et l'étude des ancêtres.

En identifiant les cellules microchimériques issues de fratries ou même de lignées plus anciennes, il pourrait devenir possible d’étudier l’impact biologique des générations passées au niveau cellulaire, ce qui introduirait une dimension inédite à la généalogie et aux études sur l'héritage familial.


Conclusion : le microchimérisme, un pont cellulaire entre membres de la famille

Le microchimérisme fraternel remet en question notre compréhension de la biologie familiale en révélant que l’empreinte des frères et sœurs ne se limite pas aux liens génétiques.

La présence de cellules étrangères dans un organisme crée un pont cellulaire avec les membres de la famille, ouvrant la voie à de nouvelles études sur l’hérédité, la généalogie et les liens de parenté.

Les recherches de 2024 et les technologies à venir permettront peut-être de répondre à ces questions fascinantes et de comprendre comment nos ancêtres continuent de vivre en nous, de générations en générations... jusque dans nos cellules.

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