Psychogénéalogie... Dénouer les secrets familiaux pour mieux se comprendre ? (Part 1 - Explications et controverse)

L’histoire vécue par vos ancêtres influence-t-elle votre vie ? Explications et controverse.

La psychogénéalogie est une approche thérapeutique qui explore les liens entre nos histoires familiales et nos comportements, émotions et traumatismes actuels.

Popularisée par des figures telles qu’Anne Ancelin Schützenberger, cette méthode part de l'idée que nous ne sommes pas uniquement héritiers de l'ADN de nos ancêtres, mais aussi de leurs émotions non résolues, secrets familiaux et traumatismes transgénérationnels.

 

Mais, quelles preuves avons-nous de ces transmissions invisibles ?

Comment la psychogénéalogie a-t-elle été appliquée concrètement ? Pourquoi y a-t-il controverse ? et quels sont les cas les plus célèbres qui appuient cette théorie ?

 

(Une partie 2 citera une série de cas documentés pour illustrer comment la psychogénéalogie peut révéler des héritages émotionnels et psychologiques transmis sur plusieurs générations.)


1 - Les fondements de la psychogénéalogie : entre intuition et science

La psychogénéalogie est née d'une rencontre entre la psychanalyse et la généalogie. Anne Ancelin Schützenberger, psychologue et professeure émérite, est souvent considérée comme la pionnière de cette discipline avec son livre Aïe, mes aïeux ! publié en 1993.

Selon elle, nous portons en nous un héritage inconscient de nos ancêtres, notamment des souffrances et des traumatismes non résolus. Elle introduit la notion de "syndrome d'anniversaire", où certains événements traumatiques vécus par les ascendants se répètent à des dates précises dans les générations suivantes .

(Schützenberger, 1993)

Cependant, cette approche repose-t-elle sur des bases scientifiques solides ?

Les critiques mettent souvent en avant le manque de preuves empiriques.

Selon certains psychologues, la psychogénéalogie repose davantage sur des intuitions et des observations cliniques que sur des études rigoureusement contrôlées .

(Van Der Kolk, 2014)


2 - Quelles preuves soutiennent la psychogénéalogie ?

La principale difficulté à valider la psychogénéalogie repose sur l’absence d’études quantitatives robustes. Néanmoins, certaines recherches en épigénétique semblent appuyer l’idée d’une transmission intergénérationnelle des traumatismes.

L’épigénétique est l’étude des changements dans l’expression des gènes qui ne sont pas causés par des altérations de la séquence ADN. Des études ont montré que des événements stressants peuvent affecter l'expression des gènes chez les descendants.

Par exemple, une étude menée sur les enfants de survivants de l'Holocauste a révélé des altérations dans les niveaux d’hormones de stress, suggérant un impact biologique transmis entre les générations.

(Yehuda et al., 2016)

D'autres travaux se concentrent sur les descendants de populations ayant subi des famines ou des guerres, avec des résultats similaires .

(Heijmans et al., 2008)

Même si elles ouvrent une voie pour comprendre comment certains traumatismes pourraient laisser une "trace" biologique, ces études en épigénétique ne prouvent pas directement les théories de la psychogénéalogie, 

Elles n’expliquent pas la dimension symbolique ou émotionnelle de cette transmission, qui est au cœur de la psychogénéalogie.


3 - L’impact de la psychogénéalogie sur les individus et les familles

Pour de nombreuses personnes, la psychogénéalogie offre une clé de compréhension de certains comportements ou malaises inexpliqués. En explorant l’histoire familiale, des blocages psychologiques, des maladies psychosomatiques ou des schémas répétitifs peuvent être éclairés. Les praticiens affirment que la reconnaissance de ces héritages inconscients permet d'amorcer un processus de guérison.

Cependant, il est important de noter que tous les praticiens de la santé mentale ne considèrent pas cette approche comme une thérapie légitime. Certains estiment qu’elle pourrait renforcer des croyances erronées sur les causes des troubles psychiques, en détournant l’attention des véritables causes actuelles, comme des événements de vie contemporains ou des dysfonctionnements familiaux


4 - L’héritage familial : entre fardeau et libération

La psychogénéalogie incite à se pencher sur les non-dits et les secrets de famille qui, selon ses praticiens, ont une influence négative sur les descendants.

D'après eux, ne pas avoir connaissance d'événements traumatiques ou de conflits non résolus dans la famille crée une sorte de "fardeau invisible" pour les générations suivantes.

 

 

L'exemple de la famille Kennedy est souvent utilisé pour illustrer ces théories.

Plusieurs membres de cette famille ont souffert de troubles mentaux, de décès violents ou d'accidents tragiques, ce qui a amené certains analystes à voir dans leur histoire une répétition de schémas familiaux tragiques non résolus.

Le rôle de la psychogénéalogie est de libérer l'individu de ces héritages en les conscientisant.

En prenant conscience de l’histoire familiale, il devient possible de rompre certains schémas répétitifs.

Cependant, il est crucial de rappeler que la mise à jour de ces "fardeaux" ne résout pas tout. Une démarche psychothérapeutique peut souvent être nécessaire pour véritablement intégrer et dépasser ces informations.


5 - Psychogénéalogie et controverse

La psychogénéalogie, en tant que pratique, est controversée dans le monde scientifique et médical. Certains psychiatres et psychothérapeutes la défendent en s'appuyant sur des observations cliniques, tandis que d'autres la rejettent, pointant du doigt le manque de rigueur scientifique et d'études empiriques.

Voici une présentation des figures notoires, de chaque camp, et leurs arguments respectifs.


Psychiatres et psychothérapeutes qui défendent la psychogénéalogie


Anne Ancelin Schützenberger

Anne Ancelin Schützenberger, psychologue et professeur émérite de l'Université de Nice, est considérée comme la fondatrice de la psychogénéalogie avec son ouvrage Aïe, mes aïeux !. Bien qu'elle ne soit pas psychiatre, elle a eu une influence immense sur la perception de la psychogénéalogie dans les milieux thérapeutiques. Elle a mis en avant le concept du "syndrome d'anniversaire" et l'idée que les traumatismes non résolus se transmettent d'une génération à l'autre. Selon elle, des événements traumatisants dans l'histoire familiale peuvent laisser une "empreinte" émotionnelle et psychologique sur les descendants (Schützenberger, 1993).

Argument principal : Pour Schützenberger, de nombreux troubles psychologiques et physiques ne trouvent pas d'explication dans l’histoire de vie individuelle. Elle a observé que certains symptômes, blocages ou comportements répétitifs disparaissaient une fois que les patients prenaient conscience de ces liens familiaux cachés. L’observation clinique et les cas pratiques constituent son principal corpus de preuves.

Didier Dumas

Didier Dumas, psychanalyste français, a également soutenu la psychogénéalogie en lien avec la dimension inconsciente de la transmission familiale. Il a été influencé par la psychanalyse lacanienne et a développé l'idée que des traumatismes psychologiques pouvaient être transmis inconsciemment d'une génération à l'autre. Dans ses écrits, Dumas explique comment certaines maladies ou troubles apparaissent après la révélation de secrets de famille ou d'événements traumatiques.

Argument principal : Didier Dumas défend l'idée que l'exploration de l'inconscient familial et des non-dits permet de comprendre des maux inexpliqués. Il s'appuie sur des observations cliniques où des blocages disparaissent après avoir exploré ces dynamiques transgénérationnelles.

Serge Tisseron

Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste français, s'est également intéressé à la transmission des secrets de famille et à leur influence sur les descendants. Son approche se concentre surtout sur l'impact des non-dits familiaux et la manière dont les secrets peuvent perturber le développement psychologique des générations suivantes. Dans son ouvrage Les Secrets de famille, Tisseron affirme que les secrets non partagés peuvent se manifester sous forme de symptômes psychologiques chez les descendants, qui inconsciemment "portent" ces secrets (Tisseron, 2011).

Argument principal : Tisseron ne défend pas explicitement la psychogénéalogie en tant que telle, mais il soutient que la transmission inconsciente de traumatismes et de secrets de famille peut expliquer des comportements et des troubles psychologiques. Il se fonde sur l’analyse clinique de nombreux cas où les patients ont ressenti un soulagement après avoir découvert un secret familial.


Psychiatres qui rejettent la psychogénéalogie


François Lelord

François Lelord, psychiatre et auteur, a exprimé des réserves sur la psychogénéalogie. Il critique le manque de preuves scientifiques solides pour soutenir cette approche et met en garde contre le risque de « surinterprétation ». Pour lui, chercher des réponses uniquement dans l’histoire familiale peut détourner l’attention des causes actuelles des troubles psychologiques.

Argument principal : Lelord souligne que la psychogénéalogie repose essentiellement sur des anecdotes et des observations cliniques isolées, sans études empiriques rigoureuses pour valider ces hypothèses. Il affirme que les patients risquent de se focaliser sur le passé, au lieu de traiter les problèmes réels dans leur vie présente.

Jean Cottraux

Jean Cottraux, psychiatre et spécialiste des thérapies cognitivo-comportementales, est l'un des critiques les plus virulents de la psychogénéalogie. Il considère que cette approche est une "pseudo-science" qui repose davantage sur des croyances que sur des preuves scientifiques. Dans ses travaux, Cottraux met en avant l'importance de baser les traitements sur des méthodes validées empiriquement, comme les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), qui se sont montrées efficaces pour traiter une grande variété de troubles psychologiques (Cottraux, 2009).

Argument principal : Cottraux rejette l'idée d'une transmission psychologique transgénérationnelle telle que décrite dans la psychogénéalogie. Il soutient que les thérapies doivent se concentrer sur les causes directes et actuelles des troubles, et non sur des hypothèses non vérifiées concernant des événements passés chez les ancêtres.

Elisabeth Roudinesco

Elisabeth Roudinesco, historienne et psychanalyste, a exprimé des réserves similaires. Bien qu'elle reconnaisse l'importance de la transmission familiale dans la psychanalyse, elle critique l’approche de la psychogénéalogie comme trop simpliste et éloignée des principes psychanalytiques rigoureux. Roudinesco estime que la psychogénéalogie confond des concepts symboliques et inconscients avec des "faits" historiques transmis de manière quasi mécanique entre générations.

Argument principal : Roudinesco déplore la tendance de la psychogénéalogie à proposer des explications simplistes et déterministes aux troubles psychiques, en surinterprétant le rôle de l’histoire familiale. Selon elle, l’inconscient est bien plus complexe que ce que suggèrent les théories psychogénéalogiques, qui risquent d’enfermer les individus dans des schémas de pensée rigides.


Conclusion : un débat toujours ouvert

Le débat autour de la psychogénéalogie reste très polarisé.

D'un côté, ses partisans voient en elle un outil thérapeutique puissant pour explorer les liens invisibles entre générations et résoudre des blocages.

De l'autre, ses détracteurs dénoncent une méthode peu scientifique, qui peut détourner des approches plus rigoureuses et validées.

Le manque de preuves empiriques reste un obstacle majeur pour sa reconnaissance dans les milieux psychiatriques académiques, même si des découvertes récentes en épigénétique apportent de nouvelles pistes à explorer.


En partie 2, série de cas documentés pour illustrer comment la psychogénéalogie peut révéler des héritages émotionnels et psychologiques transmis sur plusieurs générations.

C'est par ici 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.